06 octobre 2005


Un artiste chinois voit l'art dans le lisier de porc breton

BINIC (Côtes d'Armor) (AFP) - Un "Himalaya" d'excréments de cochons est l'une des "oeuvres d'art" réalisées par le Chinois Mu Yuming en Bretagne, l'une des étapes du tour du monde de cet artiste qui veut ancrer l'art contemporain dans le réel.


Originaire d'une petite ville du Yunnan, sur les contreforts de l'Himalaya, Mu Yuming s'est lancé dans un pari audacieux: intervenir dans 20 lieux différents de la planète. Il séjourne 20 jours dans chaque lieu afin de s'en imprégner et de tirer l'essence d'une performance toujours renouvelée.

Après Kunming, la capitale du Yunnan, Oslo et Amsterdam, avant le Mexique et le Canada, Mu a posé son sac quelques semaines à Binic, port de pêche des Côtes d'Armor, premier département pour la production porcine.

"Clou" de l'exposition multi-supports -vidéo, photos, croquis, carnet de voyage, installation- qu'il y présente jusqu'à dimanche, cet "Himalaya" à l'odeur nauséabonde, s'il peut être perçu comme provocateur, est surtout hautement symbolique d'une région où le porc a apporté, en corollaire avec une certaine aisance, des problèmes environnementaux sans précédent.

"Dire que je renvoie la Bretagne à cette image, ce n'est pas ça du tout. Je ne suis pas là pour critiquer. En Chine, nos problèmes environnementaux sont autrement plus importants que les vôtres", tempère cet artiste en recherche.

"Mais cet "Himalaya" de lisier, les gens en parlent. Ca suscite des débats. Ce n'était pas principalement mon objectif, mais c'est une bonne chose", poursuit-il.

"Pour moi, l'art contemporain doit évoluer. Ce projet des 20 lieux/20 jours fait partie d'une approche nouvelle de l'art contemporain qui, à mon sens, doit être en interaction permanente avec la vie des gens", explique cet homme affable de 34 ans, actuellement en résidence pour deux ans à la Rijks Academy à Amsterdam.

"L'art contemporain a oublié les gens ordinaires. Je cherche à établir un dialogue entre ces gens et l'art en essayant, à partir de là, d'aller plus loin, de faire naître d'autres réflexions", poursuit Mu qui mène ce travail sans soutien financier autre que le gîte et le couvert.

Dans ces séries de 20 jours, les échanges sont très différents selon les pays, les milieux. En Bretagne, dont il dit avoir apprécié la convivialité, Mu Yuming a rencontré un luthier, des marins pêcheurs, des agriculteurs, des artisans, des amateurs de festou noz, etc...

"Certaines rencontres étaient programmées, d'autres impromptues", explique Lucille Enel, une jeune sinisante ayant aidé Mu à monter son projet en Bretagne. "Pour Mu, la vie, c'est l'art et ça se passe au milieu de l'activité de chacun".